Dehors !

Quand un jeune historien de l’art mène une enquête scientifique sur le parcours du graffiti à Bruxelles, c’est d’une double consécration dont bénéficient ses acteurs. Celle d’un livre (Dehors !) suivi d’une exposition au musée d'Ixelles (Explosition). Consécrations paradoxales à l’image de notre temps de régulation et de judiciarisation de l’espace public, car c’est bien au moment de l’essoufflement d’une pratique artistique de plus en plus domestiquée (faire là où on leur dit de faire) que ses artistes les plus représentatifs rejoignent qui une galerie d’art, qui la commande publique, qui une collection privée. Le livre que nous avons créé repose entièrement sur ce paradoxe en s’appuyant métaphoriquement sur son titre et propose de renverser les codes d’appréhension des lectures ordinaires en semant la confusion entre le dedans et le dehors.
La couverture, en carton d’emballage, présente le titre sur un rabat inversé masquant les visuels offerts au regard de tous depuis vingt ans dans l’espace public bruxellois. Le propos du livre étant justement de mettre des mots et des noms sur des œuvres éphémères d’artistes anonymes dont les pseudos ornent les motifs. La typographie du titre, sans s’apparenter à un tag en retient la spatialisation et la figuration (des immeubles alignés en l’occurrence) tout en interrogeant la question des supports. Inscrit sur la surface brute du carton, le titre – Dehors ! – figure cet espace extérieur qu’il convoque.
L’intérieur est conçu comme un roman policier où de chapitre en chapitre on remonte la trace des “méfaits” urbains en suivant tags et grafs. Peu à peu, quelques protagonistes (Muga, Devo, Bonom,…) se distinguent et ouvrent un portfolio. À l’inverse de leurs pratiques, alors qu’ils peignent les murs laissés libres nous couvrons leurs œuvres d’un encart blanc où vient s’écrire le récit de leurs interventions.