Jean-Dominique

02.11.2011 Chasseurs Nagô du Royaume de Bantè

Nous venons de concevoir Le livre « Chasseurs Nagô du Royaume de Bantè » ainsi que le site internet qui l'accompagne.
L'exposition du dernier projet photographique de Jean-Dominique Burton se tiendra du 8 au 11 novembre 2011 aux stations de métro Madeleine et Pyramides à Paris.

Chasseurs Nagô du Royaume de Bantè
Jean-Dominique Burton
Format 30 x 30 cm
Hardcover (relié)
128 pages
115 photographies couleur
Editeur : Fondation George Arthur Forrest
Isbn : 978-2-9601148-0-5 
Prix : 45€
Design graphique : Salutpublic, Bruxelles
Distributeur : Exhibitions International
DVD inclus

Vendredi 11 novembre, à 18h, Jean-Dominique Burton dédicacera Porto Novo et Chasseurs Nagô, Royaume de Bantè, lors de Paris Photo, au Grand Palais, sur le stand de Fifty one Fine Art Photography – C49

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Vincent & Gilles

17.06.2011 07/09x2 – Duo

Dimanche 19 juin à 20h00
au Ciné 104 à Pantin.
“À l’occasion de la sortie de 07/09x2 – Duo, Vincent Dieutre et Gilles Collard se proposent, à partir des journaux croisés de l’été 2009 que conjugue le livre, une lecture-performance qui en accentuerait le côté fragmentaire, épars et terriblement contemporain.”

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Dehors !

16.05.2011 Dehors ! Le graffiti à Bruxelles

Prochaine parution du livre Dehors — l'Art du Graffiti à Bruxelles d'Adrien Grimmeau aux éditions CFC à l'occasion du vernissage de l'exposition "Explosition" au Musée d'Ixelles le 15 juin.Dehors ! Le graffiti à Bruxelles

Adrien Grimmeau
CFC Éditions
23 x 29 cm
224 pages
ISBN : 978-2-930018-87-4

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Komplot

10.02.2011 Gang Forest
  • Michelle Naismith, image extraite de la vidéo Ancestral Unemployment, 2010
  • David Evrad, "Gang Forest" , 2010. Vue de l'exposition à l’Espace d’art contemporain à Porrentruy, Suisse

À paraître dans "l'art même", mars-avr. 2011

Gang Forest
Michelle Naismith & David Evrard
Du 4 décembre 2010 au 23 janvier 2011
Espace d’Art Contemporain (les halles)
9 rue Pierre Péquignat
2900 Porrentruy, Suisse
www.eac-leshalles.ch

Komplot
295 Av. Van Volxem
1190 Bruxelles
www.kmplt.be

Dans le cadre de l'accord de coopération conclu entre le Canton du Jura suisse et la Communauté française Wallonie‐Bruxelles, un programme d'échanges culturels entre les deux régions a été lancé fin 2010. Ce programme bilatéral propose, sur plusieurs années, un panel diversifié d'événements « aller‐retour » dans la région jurassienne, à Bruxelles et en Wallonie. Les différentes actions prévues ont pour objectif d'amener les acteurs culturels jurassiens et belges, ainsi que les artistes, à collaborer sur des projets novateurs communs permettant de tisser des liens durables et structurants entre les deux territoires et d'envisager des partenariats sur le long terme.

Ce programme a débuté, sous le commissariat des curateurs bruxellois de Komplot, par une première exposition intitulée « Gang Forest » des artistes Michelle Naismith et David Evrard à l'Espace d'art contemporain (les halles) à Porrentruy en Suisse (1). L'exposition aura été précédée d'une résidence de David Evrard à l'Atelier de gravure de Moutier. L’exposition « retour » présentera le travail des artistes jurassiens Maria Iorio, Raphaël Cuomo et Boris Rebetez, en septembre 2011, au centre d'art Komplot à Bruxelles.

« Gang Forest », sous l’impulsion de David Evrard, établit une cartographie potentielle des espaces périphériques de création et de diffusion et invite à créer ou confronter des récits de lieux interstitiels propices aux mythologies culturelles. Privilégiant les économies nouvelles, l’artisanat, le hobby, l’agriculture, et partant de microcosmes locaux, le projet, après repérage en différentes régions d’Europe, offrira aux participants d’agir en collaboration avec des organisations locales, dans des endroits dédiés à l’art ou non.
Une avancée dans des paysages péri-urbains habités d’une poétique de l’improbable façonne les séquences esthétiques d’un récit plus vaste qui s’écrit au fil des expériences du déplacement et infèrent des conférences en forêt, expositions sur aires d’autoroutes, installations en zones transfrontalières, performances sur potagers, workshops en centre commercial… Ces interventions forment un territoire fictionnel tout en se confrontant aux histoires collectives et individuelles, à l’architecture et aux diverses formes de représentation des régions traversées.

Une première résidence au Triangle de Marseille a conduit David Evrard au Sahara algérien, en marge du territoire investigué. Mirage d’une réalité à venir, il s’y approprie un socle rocheux pour y construire une sculpture éphémère augmentée d’un corps nu, debout… statuaire dont il reprendra le motif lors de cette autre résidence, jurassienne cette fois, à l’Atelier de gravure de Moutier. À la pointe sèche et en 24 images – celles dont on fait une seconde de cinéma – il transpose sa sculpture en un récit transcendantal qui formera la préfiguration de l’exposition au centre d’art « les halles » de Porrentruy où, sous commissariat de Sonia Dermiance (Komplot), le rejoindra Michelle Naismith, artiste écossaise vivant à Bruxelles.

C’est d’un tout autre récit, aussi banal qu’hallucinant, qu’est née la vidéo « Ancestral Unemployment » présentée par Michelle Naismith. Au détour de sa lecture d’un quotidien néerlandais, son attention se fige sur un article mentionnant l’obligation faite aux chômeurs de longue durée de suivre une thérapie régressive qui consiste, sous hypnose, à déterminer si leurs vies passées sont à l’origine de leur difficulté à trouver un emploi dans leur vie présente. Le décor du film est un rond-point – attenant à un parking de dissuasion à l’entrée de la ville –orné de menhirs couchés et debouts et dont l’évocation d’un amphithéâtre antique traversé de voitures convenait parfaitement au rituel mystique et bureaucratique mis en scène par Michelle Naismith. Le film, muet, est surimposé de textes suggérant les propos tenus lors la thérapie.

David Evrard, poursuivant ses déplacement en lisière du centre d’art, aura récolté nombre de matériaux abandonnés ou déclassés, de quoi monter un sculpture in situ dans l’espace d’exposition des halles. Sorte de bûcher aux vanités dont l’assise formée de branches d’arbres permet un déploiement centrifuge d’extensions matérielles en tout genre.
L’ensemble très cohérent de l’exposition repose sur les archaïsmes des sites, des mémoires et des récits, des matières comme des objets. « Gang Forest » interroge l’art d’avant l’art ou l’art sans art c’est-à-dire quand il est partout, fait par tous, pour tous.
C’est sous le même titre que l’espace Komplot recevra en septembre à Bruxelles le duo Maria Iorio et Raphaël Cuomo qui questionnent les redistributions temporelles et spatiales du monde contemporain, leurs derniers projets élaborés sur les deux rives de la Méditerranée s’intéressent à la fonction des économies des visibilités en relation avec différents régimes de mobilité. Ils seront accompagnés de Boris Rebetez dont les juxtapositions d’images et d’espaces se jouent de la perception, mêlant étrangeté et familiarité.

1 Du 4 décembre 2010 au 23 janvier 2011

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IdPure

07.02.2011 A Public Lust

L'excellent magazine suisse IdPure#24 nous consacre 10 pages dans sa rubrique Gallery que vous pouvez consulter en ligne ici.

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Fernand

03.02.2011 Lauréat Prix Fernand Baudin 2010

Notre livre…
07/09x2 Duo
Vincent Dieutre - Gilles Collard
Format 24 x 17 cm
128 pages
Softcover
Editions Ah!
ISBN 978-2-7022-0951-6

… vient d'être primé au Prix Fernand Baudin 2010, prix du plus beau livre Wallonie-Bruxelles.

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Yves

03.11.2010 In a Silent Way

Texte de 4e de couverture du livre :
Yves Zurstrassen, In a Silent Way – Peintures 2001-2009
Editions du Regard, Paris, 2010
Textes de François Barré, Harald Kunde, Francis Feidler
Trilingue FR/EN/DE
24 x 30 cm, 280 pages,
235 reproductions couleur
Design Salutpublic

Réaliser ce livre avec Yves Zurstrassen c’était entrer dans sa caverne platonicienne sans savoir ni où ni quand on allait en émerger. La vitalité productive d’Yves n’a d’égale que son talent et face à la multitude et la diversité de son travail c’est par l’inventaire exhaustif de la dernière décennie qu’il nous a fallu débuter. Cette vision panoramique sur plusieurs milliers d’œuvres et dix ans de peinture m’en a confirmé la cohérence et dévoilé la structure évolutive. Choisir c’est renoncer, et pour y parvenir c’est un dialogue visuel entre les pièces et amical entre nous qui aura nourri, pendant plus d’un an, le processus de composition du livre. C’est cette recherche de rythme et d’harmonie, mais aussi d’incarnation physique de sa peinture, qui en cours de conception m’a fait poser ce titre, comme une évidence. In a Silent Way, le plus beau titre d’album de Miles Davis dont la sourdine mise sur son instrument donne paradoxalement la pleine mesure, à l’image de ce que ce livre, sans comparaison au format original des œuvres, tente de livrer de la puissance créative d’Yves Zurstrassen.

Renaud Huberlant

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Patrick

02.11.2010 La veille d'une sentinelle
  • HB n°4, 2010
, 60 x 70 cm, 
Galerie Aline Vidal, Paris
  • HB n°14, 2010
, 70 x 70 cm
, Galerie Aline Vidal, Paris
  • HB n°21, 2010, 60 x 60 cm, Galerie Aline Vidal, Paris
  • HB n°22, 2010, 70 x 50 cm, Galerie Aline Vidal, Paris

À paraître dans "l'art même", nov.-déc. 2010

Patrick Everaert
Galerie Aline Vidal
6 novembre – 23 décembre 2010
vernissage samedi 6 novembre de 17h à 20h
du mardi au samedi de 14h à 19h et sur R.V.
70, rue de Bonaparte 
75006 Paris
Tél : (33) 01 43 26 08 68 
Fax : (33) 01 43 29 62 10 

Email : galerie[at]alinevidal.com

La temporalité est généralement conçue dans une succession linéaire : passé, présent, futur. Mais cette notion immuable bute sans cesse sur notre perception, notre conscience intime du temps faite de ruptures, réminiscences, précipités. Le temps en soi s’oppose philosophiquement à son phénomène. Le temps devient une représentation et avec l’espace et la causalité, un principe de savoir décrit comme une phénoménologie de l’apparition (1) ou une expérience transcendantale des “essences immanentes” (2) sur lesquelles repose la définition de l’intentionnalité qui affirme que la particularité de la conscience est qu’elle est toujours conscience de quelque chose.

Toutes ces questions sont éminemment centrales dans le travail photographique de Patrick Everaert, où tout, irrémédiablement, nous échappe. Ni la temporalité ni l’intentionnalité ni même la causalité de ses images ne s’imposent à nous et en ce sens nous résistent délibérément laissant place à une interprétation inconsciente que l’on aimerait pourtant éviter. Elles ouvrent autant d’abîmes ontologiques et s’organisent tels des pièges à la perception rationnelle ou empirique. Montées de toutes pièces, ces images composées comme des tableaux, mais échappant aux critères ordinaires de la photographie plasticienne, sont des brèches au creux desquelles se lovent des corps actants ou actés : scènes où se joue une certaine condition humaine.

La suite d’images présentée à la Galerie Aline Vidal à Paris s’articule entre gestes corporels et actes perceptifs. Les gestes, tous de la main, sont des échanges d’un corps à un autre et rappellent des préparatifs ou rituels sanitaires tandis que les observations oscillent entre actes pseudo scientifiques et traitements subis. La séquence présente un intrus, un corps de femme alité au visage recouvert d’un drap dont le décor rococo échappe à l’univers hospitalier, mais dont on ne sait trop s’il s’abandonne ou s’il est laissé pour mort. On le sait, les images de Patrick Everaert sont ouvertes à toutes les fictions, ce qu’à fort bien saisi Eric Mangion (3), commissaire de l’exposition de Patrick au FRAC PACA en 2005. Et cette image, intruse, s’apparente à une clé interprétative où jouissance et mort se partagent l’onde graphique de leur intensité. Sorte de Marylin brune et française, parodie de Fragonard filmée par Renoir, collapsus esthétique et temporel qui nous rappelle que toute œuvre contient un « point d’inquiétude » si bien théorisé par Didi-Huberman (4). « Dépasser » ce « mauvais dilemme » du visible en pensant le « point d'inquiétude » du voir, le moment où travaille ce qui nous regarde, nous concerne, dans ce que nous voyons. Et accepter l'idée que « donner à voir, c'est toujours inquiéter le voir, dans son acte, dans son sujet », que voir une œuvre est « une opération de sujet », c’est se demander sur quel plan travaille le trouble, quel sujet est inquiété. Et, partant, « voir, c’est perdre », sonne comme une évidence. Perte du sujet, perte du sens de ce qui vous échappe et vous résiste. Le désir qui en suit, cette volonté d’interprétation ou de préhension, Didi-Huberman le nomme très justement « expérience du toucher». La béance n’est plus seulement au cœur de l’image, elle est entre l’image et nous, image que nous sommes tentés de toucher pour la découvrir, si couverte et si distante qui comme un corps nous résiste tant. Le transfert opératoire agit, l’image devient intériorité même du regardeur, tandis que le regardeur devient extériorité de l’image qui se referme sur nous. Mais prenons bien garde à ne pas tomber dans le piège spéculaire que nous tend cette lecture. Si l’image contient un point qui nous résiste, elle n’est pas pour autant ce qui nous résiste. Le sujet s’en verrait déplacé de l’œuvre à nous, entraînant une confusion transgressive sur laquelle justement se plaît à jouer Patrick Everaert en très bon lecteur de Joyce et qu’Isabelle Davy (5) convoque pour contrer Didi-Huberman dans sa lecture : « toute œuvre d'art, révèle Joyce, nous regarde par la valeur du regard qu'elle suscite en nous dans le spectacle de notre parole, par son pouvoir qui est aussi le nôtre, de nous faire vivre l'invention d'un voir, la transformation d'un étrange singulier en singulier collectif ». Mais, à ce singulier collectif, Didi-Huberman pourrait faire tenir les propos de son homme de la tautologie (6): « il n’y a rien d’autre à voir que ce que nous voyons ». Pour l’homme de la tautologie, c’est-à-dire pour l’homme de la surface – opposé à celui de la matière –, l’image ne s’ouvre pas, elle est un pur effet de surface. C’est très justement cette tension entre surface et matière, entre visuel perçu (les pièces perceptives) et visible touché (les pièces tactiles) qui opère dans la suite d’images que présente Patrick Everaert chez Aline Vidal. Tension ouverte, béante, entre visuel et visible pour Didi-Huberman, s’opposant ainsi à Deleuze pour lequel le sens est cet « incorporel à la surface des choses » (7).
La force du travail de Patrick Everaert est de rendre cette tension tangible – mais non palpable –, en dérégulant la notion même de sujet qui s’en trouve incarcéré en lui-même, morcelé, pris en charge ou aliéné. Mais dont l’illusion burlesque réside dans son principe de plaisir, l’illusion de sa propre jouissance.

1 Johann Gottlieb Fichte
2 De Edmund Husserl à Emmanuel Levinas
3 Eric Mangion, Les fantômes d'Everaert, in Trous noirs, trous blancs, Patrick Everaert, ed. FRAC Provence-Alpes-Côte d'Azur, 2005
4 Georges Didi-Huberman, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Minuit, 1992
5 Isabelle Davy, « What you see is what you say », Le texte étranger #5, Université de Paris 8.
6 Georges Didi-Huberman, op. cit.
7Gilles Deleuze, Logique du sens, Minuit, 1969, p.30

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Grégory

08.08.2010 Plus sceptique que critique

À paraître dans "Art & Architecture", sept.-oct. 2010

Il s'agit de prendre des composés génétiques et de les faire muter, de les comparer à d'autres structures (…) Ce qu'on fait, c'est… juste prendre un truc qui passait, le mettre en pièces et le restructurer à 180° de ce qu'il était. Simplement, prendre tout ce qui était ignoré et le mettre en relief pour faire naître une réflexion. Brouiller toutes les hypothèses, tous les acquis, toutes les satisfactions.

Devo, cité par Dan Graham dans Rock/music, les presses du réel, pp. 32-33

Les échanges Erasmus, qui se déroulent durant les années d’études, permettent aux étudiants de se confronter à d’autres cultures et à d’autres références pédagogiques. S’ajoute à cette ouverture internationale les nombreuses sources visuelles qu’offre désormais Internet, mais, souvenons-nous-en, cela reste malgré tout assez récent : depuis la généralisation du haut débit il y a un peu moins de cinq ans. Ces deux éléments conjugués, Erasmus et Internet, ont fait exploser la main-mise des ateliers, et de leurs maîtres, sur ces mêmes étudiants qui en savent aujourd'hui autant sinon plus qu’eux. Bien entendu, l’enseignement ne se limite pas à la transmission de références surtout quand elles ne sont pas servies par un appareil critique et processuel qui constitue le fondement même des ateliers. Fort des ces expériences et vu les nouvelles compétitivités étudiantes (le nombre de diplômés ne cesse de croître alors que la crise contracte les commandes culturelles de qualité), certains poursuivent leur formation internationale en intégrant les post-masters d’écoles renommées. Si quelques étudiants de l’Erg avaient déjà été admis à la Jan van Eyck Academie de Maastricht, c’était généralement au sein du département Fine Arts 1. L’année dernière, c’est un étudiant diplômé de l’option typographie, Grégory Dapra, qui a franchi la frontière batave pour se rendre non pas à Maastricht mais à Arnhem, haut lieu typographique s’il en est puisque c’est là qu’est situé Werkplaats Typografie. Dépendant d’ArtEz, Hogeschool voor de Kunsten, cette école propose sans doute le Master le plus convoité en la matière. Son enseignement repose sur la réalisation de projets personnels, la recherche, et de commandes extérieures.

Ce master a été créé il y une dizaine d’années par le graphiste Karel Martens soutenu par des graphistes remarquables comme Armand Mevis ou Paul Elliman et des personnalités artistiques dont Maxine Kopsa curatrice et fondatrice du Kunstverein d’Amsterdam, sans compter les nombreux intervenants extérieurs. L’enseignement y est décrit comme informel, d’une part parce qu’il n’est pas organisé autour de cours à proprement parler, il s’agit plutôt d’échanges, et aussi dans la mesure où les étudiants ont accès aux ateliers (studio graphique intégré) 24h/24h. Dans ces conditions, ils se doivent d’être autant autonomes que responsables de leur propre parcours, l’essentiel du temps étant à partager avec les autres étudiants issus du monde entier. Une bonne quinzaine sont admis sur les deux années d’études, la promotion actuelle est constituée de neuf nationalités réparties sur trois continents, Amérique du Nord, Europe, Orient. Inutile de préciser que les places sont prisées et que Grégory est le premier étudiant en Communauté française à y être admis.

En dix ans, ce dont atteste la publication Wonder Years, cette école est devenue un modèle, une sorte d’étalon auquel se réfèrent aujourd’hui la plupart des écoles d’art. L’élan surmoderne, celui qui revient à poser une dernière couche de vernis sur celles, accumulées, des courants historiques liés à l’abstraction suivis du fonctionnalisme, lui confère aujourd’hui le statut envié de Nouveau Style International, en référence avec celui né en Suisse dans les années cinquante et dont l’autorité s’est imposée à l’époque telle une doxa incontournable. Cela tient aussi à la cohérence du projet formel au risque de l’imposer à tous et, au bout du compte, de ne témoigner que de virtuosités interchangeables parmi lesquelles on n’est pas certain de pouvoir pointer plus que quelques singularités. Dix ans et Wonder Years plus tard, il semble aussi que le projet s’achève. Karel Martens est à l’aube d’une retraite bien méritée et le choix de confier, il y a un an, la direction artistique au jeune James Goggin s’est avéré être un échec. À l’heure d’écrire ces lignes, c’est Armand Mevis qui devrait le remplacer, libérant ainsi un poste d’enseignement dont l’attribution pourrait s’avérer déterminante pour la suite.

C’est dans ce contexte troublé que Grégory Dapra évolue de façon ouvertement critique sceptique. Contexte qui lui est certainement favorable. On se souvient qu’à l’Erg, durant un workshop animé par Le Club des Chevreuils, il développa une attitude de retournement de la commande qui lui avait plutôt bien réussi. Prétendant qu’une chose vaut son contraire, posture postmoderne s’il en est, il n’a eu de cesse de l’expérimenter. Werkplaats s’est toujours inscrit dans l’héritage des pionniers modernistes en tentant de lier tradition et expérimentation, déconstruction et stabilité, formalisme historique et faux mauvais goût (ugly). Ce sont ces alliances, de la carpe et du lapin, qui en ont fait la recette, mais rarement élaborées en dehors de la sphère culturelle contemporaine. D’où certaines interrogations. Hors de cette sphère autoréférentielle ce précepte est-il recevable ? Se soumet-il à l’épreuve du sens commun (à entendre comme « faire sens » et non à l’adresse à tous). Peut-il ouvrir son champ indiciel protolangagier qui forge son identité ? Quelle capacité a-t-il à dépasser son occidentalocentrisme ? Peut-il soutenir une fragmentation disruptive en son sein qui récuserait son projet reproductible et totalisant ? Autant de questions que soulève Grégory Dapra dans son travail de retournement. Toutes proportions gardées, ce n’est pas sans rappeler le renouvellement qu’entreprit en son temps, à la fin des années septante, Wolfgang Weingart à la Hochschule für Gestaltung und Kunst de Bâle qui enterra le Style International et fit basculer le graphisme dans son ère postmoderne.

1 Exception faite pour Harrisson qui passa un an au departement Design mais préféra ne pas poursuivre ayant eu le sentiment d’être instrumentalisé par les besoins de l’école qui connaissait alors, suite au départ de Filiep Tacq du département Design en 2006, le même genre de crise que WT aujourd’hui.

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  • Competition, EUROSTIJL, 2010
  • "Face", affiche d'invitation, non typographique, pour l'exposition "Werkplaats Typografie, End of Year Show 2010"

l'été

27.07.2010 Art on Demand…
1. Demand 2. Eliasson 3. Thijssen 4. Eggleston 5. "Recht voor zijn raap" 6. Popp 7. 8. Partin 9. Feldmann
10. Feldmann 11. Kolumba 12. Zumthor 13. Opéra de Cologne 14. 15. Guyton 16. Genzken 17. Krebber 18. Gillick

Tandis que la Grande Boucle atteint son terme sur les Champs-Élysées, on entame une petite boucle culturelle au Nord, c’est moins populaire, mais tout aussi sportif.

Première étape Rotterdam, à la rencontre de Thomas Demand et Olafur Eliasson au Boymans. Demand y expose ses grandes photographies dans une scénographie théâtrale sur fond de tentures tout aussi factices que ses décors. En contrepoint et comme autant de balises, des textes du dramaturge Botho Strauss et de remarquables vidéos d’Alexander Kluge prolongent les interrogations sur l’histoire allemande chère à Thomas Demand. Toujours au Boymans, l’exposition “Notion motion” d’Olafur Eliasson est une déception. Déjà monté au musée en 2005, ce projet perd en consistance. Les effets visuels obtenus par la réflexion de la lumière sur des bassins d’eau aux remous provoqués par le visiteur sont en deçà du dispositif monté pour les obtenir. Laborieusement ludique (les visiteurs se relayent pour activer les mécanismes) le poétique devient dérisoire, la contemplation impossible – Soupe aux tomates au Kunsthall : un rien trop réduite, pain excellent –.
Au Fotomuseum, “Fringe Phenomena” d’André Thijssen capte le quotidien, l’ironie en sourdine au travers des reflets des vitrines ou parebrises. En réalité, cette expo prolonge celle intitulée “70s, Photography and Everyday Life” (commissaire Paul Wombell) où l’on retrouve quelques grands noms de l’époque comme Allan Sekula, David Goldblatt, Karen Knorr ou Victor Burgin mais aussi les Africains Ojeikere et Sidibé. L’art conceptuel y tient une belle place avec Douglas Huebler ou Hans-Peter Feldmann. Seul William Eggleston témoigne de l’essor de la couleur et préfigure la photographie picturale où il sera rejoint par Cindy Sherman que l’on rencontre ici à ses débuts.

Deuxième étape, Utrecht, où se tient l’exposition “Recht voor zijn raap” que l’on peut traduire par “dans ta face”, à savoir : une plateforme de livraison publique et sans ambages du travail récent d’une trentaine de jeunes créateurs soutenus par le Fonds BKBV entre 2006 et 2008, tous médiums confondus. Belle occasion pour prendre connaissance des talents bataves du moment, mais aussi, malheureusement, une occasion manquée. Trop de petites choses communes, pas assez ambitieuses et fortement ego-centrées. Pourtant la sélection est drastique, une trentaine parmi plus de trois cents boursiers… Mais aussi de belles découvertes ou confirmations comme Idan Hayosh, sculpteur sonore, Iris van Herpen, styliste, Jennifer Pettersson, vidéaste, Jonas Staal, militant, Ton van Zantvoort, cinéaste, et un coup de cœur pour le travail typographique et prolifique de Job Wouters dont le livre réalisé en miméographie pour l’artiste Gijs Frieling est tout bonnement somptueux.
Ceci dit, la belle surprise était l’expo "Op papier gezet” (mis sur le papier) qui précède cet accrochage. Avec des œuvres de Marlène Dumas, René Daniëls, Jan Schoonhoven, …

Troisième étape, Krefeld. C’est toujours avec le même bonheur que l’on retrouve les maisons Lange et Esters de Mies van der Rohe. S’y tiennent deux expositions à priori mineures. Haus Lange, Julius Popp, passé maître en installations numériques et typographiques, lauréat 2010 de la Fondation Adolf Luther avec les travaux duquel il partage les espaces, mais dont bon nombre de propositions sont “Defekt”, en panne. Haus Esters, Ted Partin, dont on avait pris connaissance des premières photographies lors de l’exposition “J’en rêve” à la Fondation Cartier et dont on avait réalisé le catalogue. Ted Partin, jeune photographe américain, accompagne sa génération en rupture de ban social et familial, menant une vie déliée entre émotion et affirmation. L’ampleur prise par ce travail depuis 2005 laisse pantois et émerveillé. La distance juste sur ce qui pourrait très vite tomber dans le voyeurisme post Nan Goldin est mesurée au cordeau et nous livre une suite de photographies d’une maturité étonnante. Sans doute le fait que les sujets photographiés nous regardent droit dans les yeux, sans l’once d’une provocation ou d’un rejet, y est pour beaucoup. C’est sans réserve qu’ils nous accueillent dans leur environnement et partagent leur intimité. Au vu de toutes ces qualités, le travail de Ted Partin est déjà classique, au meilleur du sens possible.

Quatrième étape, Dusseldörf, où, à la Kunsthalle, l’on retrouve Hans-Peter Feldmann tandis qu’en face le Kunstsammlung fête sa réouverture par une file de touristes et amateurs de plus de deux cents mètres. – Sommersalat, gambas et mangue, malheureusement noyée sous la vinaigrette –.
On serait vite tenté de dire que HPF est passé du conceptuel au kitsch entre les années 1968 et maintenant et pourtant il n’en est rien. Si tout semble changé dans son travail, c’est que le monde a changé, mais le paradigme, lui, est resté le même. D’autant que l’emprise du temps, et sa valeur, n’ont aucune prise sur lui, et partant, HPF ne date aucune de ses œuvres. Ses préoccupations sur la présence des images, leur reproduction et diffusion offre des installations multiples et souvent déroutantes tant les approches esthétiques sont hétéroclites. Mais à n’en pas douter, c’est dans ses éditions que le propos est le plus affirmé et nous renvoie la question de la “démocratisation de l’art” au cœur du processus. Quand l’art fait irruption dans le quotidien et non l’inverse…

Cinquième étape, Cologne, et d’abord le Kolumba, le musée de l’archevêché inauguré il y a trois ans sur les ruines de l’église Sainte-Colombe et où se mêlent art sacré et profane. Entamer sa journée par van der Rohe et la finir chez Zumthor tient du ravissement du funambule sur un fil tendu. Même dépouillement, même épure. Sens du bâti, du détail, laissant au site le soin de l’expression. Chaque pièce offre une sensation semblable et si différente à la fois, pas deux ont les mêmes proportions ni la même lumière… rarement une architecture offre une telle expérience esthétique. Par une fenêtre, au dernier étage, entre les immeubles indifférents, on aperçoit ce qui semble être l’opéra de Cologne qui doit dater des années 50/60 et s’étend par modules répétitifs à l’horizontale sur une place. Étonnement, les deux bâtiments semblent dialoguer à distance, effaçant tous les autres de leur conversation. (Renseignements pris, l’opéra date de 1957, architecte Wilhelm Riphahn.)
Le lendemain, c’est une petite foule venue voir Lichtenstein au Ludwig qu’il faut traverser pour atteindre les salles consacrées à Wade Guyton, au nombre de deux seulement (ce que le site du musée ne laisse nullement entendre). La première ne contient qu’une pièce, mais de taille : 14 x 25 mètres (un petit immeuble), dont les superpositions d’écrans font face à un escalier qui mène à une mezzanine où sont installées quelques vitrines pour ses jets d’encre sur papiers magazines. Malgré la frustration d’en voir si peu, ce n’est pas peu qui est donné à voir. D’abord cette pièce démesurée semble faite sur mesure pour les multiples points de vue que le musée lui offre, puis le contraste avec les pièces si modestes des vitrines, tout contribue à un équilibre parfait et une parfaite saisie des enjeux de son travail. Wade Guyton s’inscrit dans la suite de Christopher Wool dont il adopte les systèmes sériels où se mêlent signes graphiques et, parfois, signes typographiques. Si Wool utilise l’impression sérigraphique, Guyton procède par impressions jet d’encre en surimpressions sur des toiles grand format ou sur simples pages extraites de livres ou magazines.

Sixième et dernière étape, Bonn, pour une exposition intitulée “Der Westen Leuchtet/ The Luminous West”. Projet pharaonique qui réunit trente-trois artistes de trois générations dont le point commun est peu ou prou l’ancrage régional à savoir rhénan. La première génération est composée de Palermo, Knoebel, Beuys, Richter et Polke. La deuxième a généralement déjà été exposée au musée de Bonn et est représentée par (entre autres) les Becher, Cragg (oui il s’est installé à Wuppertal), Genzken, Gursky, Odenbach, Oehlen, Rükriem, Schütte, Trockel… qui eux-mêmes ont choisi quatorze représentants de la troisième génération qui sont : Arnolds, Debus, Denny, Durham, Fährenkemper, Haghighian, Hahlbrock, Houlihan, Kastner, Keinstar, König, Krebber, Neugebauer et Pirgelis. Exposition on ne peut plus allemande évidemment qui se veut à la fois historique et contemporaine, mais qui se refuse fort heureusement de constituer un panorama exhaustif de la création nationale. Et on comprend pourquoi. Il me semble que ce projet est surtout monté pour rappeler la dynamique de l’art de l’ex capitale allemande face à la nouvelle, Berlin qui attire, comme le miel les mouches, les artistes du monde entier. Façon aussi, pas très subtile ceci dit, de rappeler le lien fort qui a unit et unit encore les moyens issus de l’industrie régionale à la promotion de l’art ce à quoi Berlin, pauvre et endettée, ne peut prétendre. Cette exposition ne se contente pas d’un accrochage de pièces dans les espaces du musée, chaque artiste dispose d’une vaste salle où plusieurs œuvres, en général les plus récentes, prennent place – Soupe tomates carottes à l’estragon et crème surette, parfaite –.
En face, au Kunst- und Ausstellungshalle, une importante exposition consacrée à Liam Gillick, autre anglais chéri par l’Allemagne qui, on s’en souvient, lui a cédé son Pavillon lors de la dernière Biennale de Venise. L’installation “cuisine au chat” est remontée ici, sauf qu’ici le chat parle allemand et il en va de même pour toute l’exposition dont aucun récit, et l’on sait à quel point c’est important pour aborder les structures formelles de Liam Gillick, n’est traduit en anglais. C’est donc de façon toute plasticienne que la visite se fera, et pour le coup, cette exposition qui se veut une rétrospective de poche est une vraie réussite. Liam Gillick parvenant à créer un parcours d’une logique tout aussi radicale, mais de là à emboîter le pas au discours du directeur Robert Fleck il y a une marge : « Il s’agit de présenter à un large public la vision de Liam Gillick qui est celle d’un art faisant appel aux idées de l’observateur sans passer par la langue, et ce tout en créant de nouvelles images et une nouvelle langue formelle pour notre siècle ». Rien de moins – Double expresso avant de reprendre la route pour Bruxelles –.

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BookbyBrussels

05.07.2010 Le Prix Fernand Baudin, comme...

Publié dans la revue "BookbyBrussels" #01, 2010

Le Prix Fernand Baudin, comme...
L’opportunité d’échanges entre professionnels?

ALEXIA DE VISSCHER : Il est important que les graphistes signent leurs livres. Quant aux éditeurs, ils doivent se rendre compte que le travail d’un graphiste peut être une valeur ajoutée, à une époque où ils auraient plutôt tendance à rester en interne parce que l’informatique leur permet beaucoup de choses.

MANUELA DECHAMPS OTAMENDI : Que ce prix existe est une chance. Il n’existe pas beaucoup d’événements au cours desquels notre travail peut être montré ou mis en valeur. C’est par le livre que tous les aspects de notre métier de graphiste sont mis en valeur.

RENAUD HUBERLANT & PASCALE ONRAET (Salutpublic) : Nous sommes peu nombreux en Belgique, mais nous avons tous une manière différente d’aborder la problématique. Une nouvelle génération de graphistes arrive, la « famille » va s’agrandir. Ce prix est donc peut-être aussi une façon d’attirer d’autres gens, d’autres regards, d’autres pratiques autour du livre.

BOY VEREECKEN : C’est une excellente initiative, mais un premier pas. Aux Pays-Bas, un prix est un stimulant: à la clé, il y a de l’argent, une résidence à l’étranger ... J’espère qu’à terme, il sera également question de ce genre de soutien ici, de manière à conférer à notre métier plus de poids et de respectabilité. Aujourd’hui, c’est encore un prix strictement professionnel.

Un autre contact avec le public?

MDO : Les graphistes n’ont jamais été uniquement des metteurs au net. La différence, c’est qu’aujourd’hui, le public perçoit peut-être mieux leur travail. Bien sûr, le Prix Fernand Baudin apporte une reconnaissance. Mais toucher le grand public ne se fera en fin de compte que quand les éditeurs qui travaillent à destination du grand public auront un peu plus d’ambition créative et engageront des graphistes à cette fin.

RH & PO : C’est un prix professionnel avant tout. Notre vœu serait d’éveiller les éditeurs. Qu’ils se disent que moyennant des investissements comparables, on peut aller bien plus loin et s’ouvrir, peut-être, de nouveaux marchés. Attirer, par exemple, quelqu’un qui n’a pas vu l’exposition mais sera intéressé par la réflexion autour du livre qui l’accompagne.

La découverte d’une hypothétique « belgian’s touch »?

ADV : Il y a de plus en plus moyen de travailler avec des éditeurs étrangers. Ce serait maintenant vraiment intéressant de pouvoir travailler plus loin qu’en Europe. Le livre « belge » n’a pas de spécificité propre, si ce n’est qu’il est un lieu de croisements’ de rencontres, et qu’il témoigne pas mal de quelque chose d’assez cosmopolite comme Bruxelles.

MDO : En termes de graphisme, Madrid est classique et Bruxelles dynamique. La touche belge? Ce qui est sûr, c’est que nous sommes à un carrefour d’influences, d’autres styles plus reconnaissables. C’est aussi notre force, de pouvoir toucher un peu à toutes ces influences, et de ne pas avoir une identité trop définie.

RH & PO : Nous avons à la fois ce regard sur la France, où le graphisme a toujours été considéré comme un art populaire se référençant complètement à la peinture, et sur des pays limitrophes comme la Suisse, les Pays-Bas ou l’Allemagne qui, eux, ont toujours entretenu une relation plus complexe, conceptuelle, avec le graphisme. Par ce que les échanges culturels peuvent avoir de viral, nous condensons toutes ces influences. Et c’est aussi ce qui intéresse les Français: notre vision beaucoup plus vaste en termes de références et de pratiques. Autre particularité des Belges, outre l’auto dérision permanente: une très grande interrogation sur le contenu. Rien n’est fait pour une esthétique à elle seule. Nous sommes plus modestes pour un certains nombre de choses, mais là, on creuse peut-être un peu plus profondément. ,”

BV : Le fait qu’en Belgique, le graphisme soit moins « institutionnel » est une grande source d’inspiration. Nombre de ceux qui ont été étudier à l’étranger reviennent aujourd’hui à Bruxelles parce que c’est un creuset d’une multitude d’apports. On ne peut certainement pas parler d’unité, et c’est très bien ainsi.

Une réflexion sur ce qu’est un « beau livre »?

ADV : Beaucoup de livres d’art ont été inscrits au Prix. Le «beau livre» d’aujourd’hui n’est plus celui d’antan, parce que le processus de production, les budgets, les moyens de production technique ont évolué. Et les graphistes se positionnent également comme des auteurs, par rapport au livre. C’est cette création contemporaine et novatrice que le Prix a plutôt tendance à mettre en avant. Bien que le beau livre classique, s’il était présent, pourrait être primé.

BV : Je pense que c’est avec Marcel Broodthaers qu’on a vraiment eu une touche belge. Quand l’artiste était lui-même le designer. C’est frappant aujourd’hui: rares sont les artistes qui arrivent à projeter leur œuvre dans un livre, ou utiliser le livre comme un objet d’art. Il y a aujourd’hui une vraie ré¬flexion sur cette identité.

Un coup d’œil sur les modes et les tendances?

MDO : J’ai l’impression qu’on cherche de plus en plus à créer des livres exceptionnels, au niveau formel. Dans mon métier de graphiste, le livre est en tout cas très valorisé, par rapport à d’autres applications apparaissant, par contraste, comme plus futiles.

RH & PO : Nous sommes actuellement dans une tendance double: hyper typographique, et totalement orientée vers les moyens de production.

BV : La démocratisation de l’accès à Internet permet de se tenir au courant des tendances, qui sont vite récupérées. Mais c’est souvent tout aussi temporaire. Quand nous travaillons, nous essayon~e spéculer sur ce qui peut être intemporel. Aujourd’hui, moyennant l’apprentissage de quelques règles, on peut devenir graphiste. Tout consiste ensuite à ne pas res¬ter figé avec ces quelques règles.

Une alternative future à l’e-book ?

ADV : Le Prix existe aussi pour soulever la question du devenir du livre. L’e-book? Des technologies qui amènent d’autres standards de lecture: intertextuelles, croisées, avec des indexations plus complexes et plus riches ...

RH & PO : Quant à charrier des contenus textuels voire imagés mais alors à titre documentaire, le livre numérique trouvera sans doute une place très importante. Le dialogue entre les parts de texte et les parts d’image nécessite, lui, une structuration narrative, voire visuelle ou même complexe que jamais ce type de support ne pourrait à priori envisager. Le livre, en tant que support à la fois de création et de transmission, devient une niche. Il doit trouver sa spécificité ; il n’est pas juste de la diffusion de contenu. Et c’est là que nous nous situons.

BV : Certains catastrophistes affirment que le livre va disparaître. Je ne crois pas. J’ai essayé de lire un livre digital: c’est horrible! Je crois aussi que c’est le monde de l’entreprise qui va surtout faire appel à ces technologies pour développer de nouveaux concepts. Et le monde de l’art se penchera toujours sur le concept ou l’idée d’abord, pour ensuite chercher quelle technologie peut le ou la concrétiser.

MDO : L’e-book est une réalité. Ma première réaction serait d’avoir un peu peur. J’espère que l’évolution de cet objet en fera quelque chose d’utile pour des ouvrages spécifiques, comme les encyclopédies ou les livres de poche. Le livre-objet, le « beau livre » même si je n’aime pas trop ce terme, existera toujours. Et peut-être deviendra-t-il encore plus exclusif, plus précieux, pour marquer sa différence avec l’e-book.

Par Didier Stiers, photographie Florian Aimard

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Xavier Mary

31.05.2010 Poliocrétique des junkspaces

Publié dans la revue "l'art même" #47, printemps 2010

Poliocrétique1 des junkspaces2
Xavier Mary entretient avec la réalité un rapport hyper tendu entre liberté et sécurité. Un rapport schizoïde autant que paranoïaque. Consommateur effréné de non-lieux déréalisants, il emprunte son vocabulaire formel aux espaces sécuritaires ou ludiques loin du principe de précaution qui voudrait que "l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable". L’espace collectif et public est devenu cette dernière décennie, celle durant laquelle Xavier Mary s’est défini dans le champ de l’art, un espace judiciarisé et réglementé sous surveillance constante. Un camp retranché où il faut décliner sans cesse son identité, une fortification sans angles morts.
Rails de sécurité, miroirs réflecteurs, lampes fluocompactes d’autoroutes, échafaudages, ou barbelés sont autant de matériaux usuels des assemblages modulaires et autocentrés de Xavier Mary. Assemblages plus que sculptures dans le sens qu’il n’associe pas formes et supports en atelier mais sur écran. L’usage des logiciels 3D participe de cette déréalisation conceptuelle et matérielle tout en conférant à ses structures une organicité angoissante d’ordre viral. Ses références formelles oscillent entre citadelles Vauban et "lieux de privation de liberté" type Fleury-Morangis. À l’instar de l’utilitariste 3 Jeremy Bentham dont le modèle architectural de prison panoptique repose sur le principe que les surveillants ne pouvant être vus, ils n'ont pas besoin d'être à leur poste à tout moment, ce qui permet finalement d'abandonner la surveillance aux surveillés. Notion reprise par Foucault dans Surveiller et punir 4 pour énoncer son diagramme de la société disciplinaire et formulée selon Deleuze comme "imposer une conduite quelconque à une multiplicité humaine quelconque" 5.
Mais que l’on ne s’y trompe pas, Xavier Mary ne participe aucunement de la détraction que force ce constat mais le consolide d’une visée récréative en y incluant la notion de risque opposée à celle de précaution évoquée plus haut. Risque hédoniste aux effets jouissifs dont l’adrénaline sert de véhicule métaphorique de substances autrement plus corrosives prisées dans les "lieux de privation d’entrave" que sont les boîtes de nuit. D’un espace clos à un autre où il puise le solde de son vocabulaire formel et amplifie son travail de déréalisation des rapports humains. Contrôleurs DMX, stroboscopes, soundsystems, haut-parleurs rythment les séquences de nos aliénations. À cette fête morbide, nous sommes conviés à coups de slogans typographiques issus de la culture flyer. "MX", "Specific Pattern", "Cross Over", "Dance Floor", "Over Game" forment la lexicographie d’une after party globalisée sur le champ de ruines de la modernisation à bout de course dont Rem Koolhaas se fait le chantre. La fête est finie, vive la fête.
À ce titre, extrait des contingences du réel, l’art serait un EdenPark dont on ne sait plus précisément s’il est un espace de loisir ou une séniorie, mais certainement un lieu de chaosthérapie doté d’animations pour stimuler le résident 6. Les dispositifs de Xavier Mary sont des espaces-processuels de simulacres spectacularisés, des espaces à intensité modulable. Des ruines-monuments à leur propre gloire. Des aires de promenade dans le couloir de la mort, où l’on va, inéluctablement, mais en dansant.
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1. Technique du siège militaire, de défense comme d'attaque.
2. "Junkspace, c’est ce qui reste quand la modernisation est à bout de course, ou, plutôt ce qui se coagule au fur à mesure qu’elle se fait : ce sont les retombées, ce que la modernisation a construit, ce n’est pas l’architecture moderne, mais le Junkspace." KOOLHAAS, Rem, "Junk Space", Octobre 115, pp. 721 et ss.
3. Wikipédia : Les individus ne conçoivent leurs intérêts que sous le rapport du plaisir et la peine. Ils cherchent à "maximiser" leur bonheur, exprimé par le surplus de plaisir sur la peine. Il s’agit pour chaque individu de procéder à un calcul hédoniste. Chaque action possède des effets négatifs et des effets positifs, et ce, pour un temps plus ou moins long avec divers degrés d’intensité ; il s’agit donc pour l’individu de réaliser celles qui lui apportent le plus de bonheur. Jeremy Bentham donnera le nom d’Utilitarisme à cette doctrine dès 1781.
4. Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, 1975
5. Gilles Deleuze, in Foucault, Editions de Minuit, 1986/2004, p.41
6. http://www.complexedepages.fr/pages.php?id_page=11

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  • Vue de l'exposition Ortho Graphe, Galerie Christian Nagel Berlin, courtesy Galerie Christian Nagel et Espace Uhoda

Boy Vereecken

28.05.2010 Les centres de gravité

Publié dans AD MAGAZINE, juin 2010

Le parcours de Boy Vereecken me fait étrangement songer à celui, mais à contresens, de Hans Castorp, personnage central à défaut d’en être le héros du monument qu’est "La Montagne Magique” de Thomas Mann. Curieuse entrée en matière peut-être, car qui lit encore ce bildungsroman – roman de formation – dont l’arrière-plan, annonce le cataclysme de la Première Guerre mondiale, celle qui fit s’effondrer les Empires européens et déplacer le centre de gravité mondial vers l’autre côté de l’Atlantique.
Il en va des centres de gravité comme des continents : ils dérivent. À l’issue de ce moment historique, l’Europe se cherchera une nouvelle vertu dans le purisme nationaliste qui entraînera à sa suite les mouvements et disciplines artistiques dont le graphisme, en pleine définition moderniste, se fera le chantre dès la fin des dadaïsmes.
Alors pourquoi Hans Castorp ? Ce personnage falot, mais attachant, qui se libère de ses obligations tant morales que professionnelles, ne pouvant prendre parti qu’il soit politique ou philosophique, naviguant au seul compas de ses sentiments, ne prenant pas la mesure du moment historique qui se déroule à ses pieds.
Tout le contraire, donc, de Boy Vereecken, engagé comme peu le sont, sur le théâtre des opérations contemporain. Parcours sans faille, dont chaque étape semble être une marche qui le mène peu à peu à prendre la mesure de la hauteur des enjeux actuels. Un diplôme technique de DTP en poche, il rejoint Sint-Lucas à Gand et s’inscrit dans la section “Typografie en onderzoek” sous la houlette de l’excellent Michaël Bussaer. Tout comme pour Michaël en son temps, Sint-Lucas le plonge dans la marmite typographique et lui donnera le sens de l’histoire de son art et les recettes des réglages vernaculaires qui font toute la saveur du graphisme flamand. Commence ensuite une aventure en solo dont la musique sera le thème premier. Pochettes, affiches, visuels, identités pour groupes musicaux seront les premières réalisations hors école. À ce stade, le graphisme est vécu comme un art populaire accompagnant la culture de masse, mainstream. Une culture jeune à son apogée depuis son invention libertaire au début des années 50 aux États-Unis.
Des années 20 aux années 40, l’Europe en quête de redéfinition et de protectionnisme s’est inventé un vocabulaire visuel, moderniste et fonctionnel. Le graphisme naît de la définition de règles nouvelles, établies d’abord, enseignées ensuite puis propagées sur le continent. Un art appliqué au service de l’industrie que rien ne sert mieux que des formes sérielles et standardisées, anonymes et fonctionnalistes. La pureté des formes rejoint celle des esprits. La communication, mot nouveau, subira rapidement comme les continents, une dérive en se faisant récupérer par la propagande. La notion de style, à la suite des mouvements artistiques, devient nationale. Les clivages entre pays se renforcent. L’Allemagne forge le Bauhaus, la Hollande le Stijl si bien nommé… la voie moderne est germanophone plus que germanique. Pendant que la France se refuse à la modernité, ce qui laissera des traces profondes, et que la Royaume-Uni se cherche une troisième voie, la Suisse fait de la réclame pour ses montagnes tandis que la Belgique, sans identité mais au centre des confluences, grignote à tous les râteliers. L’on ne connaît que trop bien ce que ces rivalités, dont le graphisme n’est évidemment que le générique, ont laissé derrière elles. L’apocalypse version 2.0 [WWII]. Tous victimes, tous vaincus, le seul vainqueur étant le nouveau continent, l’Amérique comme nouveau et seul centre de gravité possible. Si les artistes ont fait la traversée de l’Atlantique, les graphistes sont restés à quai avant de rejoindre, à l’instar de Hans Castorp, les montagnes suisses à leur tour. Capitalisant les héritages des décombres allemands, ils placent le patrimoine graphique en lieu sûr entre Zurich et Bâle et verseront les intérêts sur la place mondiale où règnera bientôt en maître le Style International Suisse. Des hauteurs suisses se noue dès les années cinquante un nouveau combat à distance. High contre Low, la haute culture européenne issue de l’abstraction et de la rigueur typographique alliée à l’industrie internationale contre la culture jeune et massifiée états-unienne qui déferle en tsunami sur les plaines européennes. Autoritarisme des pères opposé à la contre-culture des fils. L’industrie lourde opposée à la société des loisirs, la cheminée contre la plage, l’art contre la culture, l’élite contre la masse. La loi du nombre règle vite le combat, la culture visuelle anglo-saxonne devient la norme. Tout est Pop puis Post, la Fin de l’Histoire est décrétée, la globalisation avance à marche forcée. Et pourtant, paradoxe, les styles nationaux dans le graphisme demeurent, rentrent même en résistance. Suisses et Hollandais ne s’avouent pas vaincus et renouent avec les traditions. Se joue maintenant la manœuvre décisive, celle d’élever le graphisme au rang d’art pour l’extraire définitivement des mornes plaines du divertissement. La théorie s’allie à la forme, le livre devient l’enjeu majeur de la pensée graphique, Werkplaats Typographie peut naître et devenir un contre centre de gravité.
Après deux ans de solitude, Boy Vereecken rejoint ce camp d’élite retranché à Arnhem qui en dix ans s’est imposé comme nouveau Style International ralliant toute une génération de graphistes devenus adultes à sa cause néo-moderniste. La force de WT réside dans sa capacité à tisser des réseaux. Boy crée le sien tourné vers l’Est et participe de la “faction polémique et intimiste consacrée à l’Eurasie” qu’est Slavs and Tatars. Ce collectif hybride composé de théoriciens et plasticiens non-artistes intervient sur le terrain de l’art globalisé. Le tournant sentimental de leurs interventions n’est pas sans rappeler Hans Castorp, amoureux de l’Eurasienne Clawdia Chauchat. Mais qu’on ne s’y trompe, ce temps du retrait n’a qu’un temps, Boy Vereecken comme Hans Castorp ne peuvent se soustraire indéfiniment au réel. Vient le moment de rejoindre la plaine, et les combats qui s’y livrent. Thomas Mann abandonne son héros sur les champs minés de la Première Guerre, un autre combat attend Boy Vereecken. De retour en Belgique entre Bruxelles et Gand, Boy – après une collaboration assidue avec la graphiste polonaise Kasia Korczak, elle-même membre de Slavs and Tatars – se livre à engager des commandes remarquées comme son travail récurrent pour Kiosk, la galerie de Kask, académie des beaux-arts de Gand, ainsi que les publications indépendantes du responsable du lieu, Dieter Roelstraete. Boy, avec et sans Kasia, réalise régulièrement des livres tous remarquables et régulièrement primés au Prix du livre Fernand Baudin. Sa capacité à intégrer la commande et la déplacer vers des enjeux relationnels entre les intentions artistiques ou architecturales et celui du médium qu’est le livre lui-même est assez exceptionnel en Belgique. De plus, en polémiste, il n’hésite pas à jouer avec les tensions esthétiques non conventionnelles voire extrêmes comme ses couvertures pour “Love, Love me Not”, “Objects of Vertu”ou “Agenda, JDS Architects”. Fort de ces qualités, à Sint-Lucas d’Anvers où il est chercheur en résidence, il s’apprête à constituer un pôle d’édition en lien avec Mer, structure éditoriale de Luk Derycke.
Si l’on ne se fait aucune illusion sur l’avenir de Hans Castorp sur le champ de bataille auquel il ne s’était nullement préparé, aucun doute n’est possible sur celui de Boy Vereecken. Il est, sans conteste, celui qui semble le mieux armé pour en découdre sur le champ de ruines que devient l’Europe en ces années de crises à répétition.

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Breda

25.05.2010 Graphic Design Festival Breda 2010
Couverture du catalogue 2010
Notre poster in situ

Nous avons été invités à participer au "PosterProject" du "Graphic Design Festival Breda 2010".

Posté par Simon - Tags : Exposition